Stadt: Dijon, Frankreich

Frist: 2014-05-31

Congrès de l’APELA en septembre 2015 à l’université de Bourgogne

Porté par l’universalisme et l’aspiration à une citoyenneté du monde, le cosmopolitisme est un projet philosophique et politique qu’on peut faire remonter à la Grèce antique mais qui prend toute son importance avec la modernité européenne. Son imbrication idéologique avec le projet colonial, qui s’appuie sur la culturalisation et la racialisation de la vision du monde, le mettra face à la contradiction fondamentale qui l’anime d’emblée entre ouverture à l’autre et penchants impérialistes. A bien des égards, l’argument de la mission civilisatrice du continent africain, qui sert de légitimation à l’entreprise coloniale, est en effet lié à la matrice cosmopolite. En porte-à-faux avec la modernité européenne (se réclamant de son héritage afin de lutter contre la domination de l’Europe), le panafricanisme a pour objectif d’abolir les divisions des pays colonisés par l’affirmation de l’unité culturelle et politique des peuples africains. Mais le projet panafricain n’hérite-t-il pas aussi de la contradiction du cosmopolitisme, lorsqu’il conserve la représentation culturalisée et racialisée du monde ?
La question du cosmopolitisme et du panafricanisme est un enjeu discret mais persistant des littératures africaines coloniales et postcoloniales, et c’est elle que nous voudrions interroger dans ce colloque. Les écrivains qui ont répondu au long du 20e siècle, et jusqu’à aujourd’hui, au projet politique panafricain mettent en jeu de nombreuses stratégies culturelles cosmopolitiques. La nation panafricaine est affirmée comme un monde, un « univers » qui dépasse les frontières nationales ou ethniques et incite à décloisonner les identités. Tantôt l’engagement panafricain est conçu en termes anti-identitaires fondé, comme chez Frantz Fanon, sur l’action politique, tantôt le décloisonnement panafricain passe par l’identification d’un commun sous les différences de surface à l’instar de la vision afrocentriste de l’historien Cheikh Anta Diop. Dans un monde post-colonial et globalisé, Edouard Glissant quant à lui réinvente le projet panafricain sous forme d’une poétique de la relation permettant d’aller au delà des identités culturelles territorialisées.
C’est la question des conditions à la fois esthétiques, sociologiques, politiques et philosophiques des manifestations littéraires du cosmopolitisme au sens large en Afrique qui sera mise en discussion dans ce colloque.

Diverses pistes de réflexion et divers objets sont envisageables :
- On pourra analyser la présence d’une dynamique cosmopolitique au sein des textes littéraires qui ont accompagné le projet panafricain depuis le début du 20e siècle. Il s’agira alors d’examiner dans quelle mesure la littérature engage un décentrement africain du cosmopolitisme européen à l’aide de la perspective transnationale du panafricanisme.
- L’engagement actuel de nombreux écrivains issus du continent africain en faveur d’une « littérature-monde » peut également être mis en rapport avec la généalogie du cosmopolitisme panafricain. Stratégie symbolique dans une lutte de représentation sur le marché des différences culturelles, la revendication d’une énonciation cosmopolite se distingue de l’engagement panafricain inscrit dans le projet politique des luttes anti-coloniales.
- A contrario, il sera possible de s’interroger sur la façon dont s’est parfois opéré le retournement afrocentriste de la rhétorique cosmopolitique à l’intérieur même du mouvement panafricain, comme cela a pu être le cas au sein de mouvements comme la Négritude, le Black Conciousness Mouvement en Afrique du Sud, le Black Nationalism américain ou la Tribu Ka en France.
- On s’intéressera aussi à l’ « afropolitanisme ». Ce mot-valise, inventé en français en 2005 par Achille Mbembe à partir d’une dérivation de l’anglais « cosmopolitanism » met l’accent, non plus sur l’affirmation d’un « monde » africain, mais sur la circulation des mondes au sein et à partir du continent africain. L’enjeu politique de la notion est de résister aux pressions indigénistes et afrocentristes qui travaillent les politiques identitaires en Afrique. L’afropolitanisme nomme aussi une manière d’être au monde et un style de vie qui, dans sa fluidité, esquive l’engagement politique frontal au risque de passer pour une posture superficielle, voire purement commerciale.
- On pourra enfin (liste non-limitative), se tourner vers les romans et les essais de Léonora Miano, qui s’approprie la notion d’« Afropea » popularisée par la communauté africaine européenne depuis les années 1990. « Lieu immatériel, intérieur où les traditions, les mémoires, les cultures […] s’épousent », l’Afropea de Miano est avant tout un « terroir mental que se donnent ceux qui ne peuvent faire valoir la souche française ». Ainsi, le projet identitaire afropéen de Miano et la pensée panafricaniste ont le transnationalisme en partage. Dans son œuvre, elle propose cependant une réflexion critique à propos de l’afrocentrisme en dénonçant les dangers d’une dialectique identitaire substituant une exclusion par une autre.
Le colloque sera l’occasion d’analyser cette manière d’écrire afropolitaine ou afropéenne au prisme du cosmopolitisme et dans ses convergences et ses divergences avec l’engagement littéraire panafricain.

Vos propositions d’articles (de 1000 à 2000 signes maximum) accompagnées de vos coordonnées et de votre affiliation institutionnelle sont à envoyer à Guillaume Bridet (g.bridet@free.fr), Virginie Brinker (virginiebrinker@gmail.com), Sarah Burnautzki (burnautzki@phil.uni-mannheim.de) ou Xavier Garnier (xavier.garnier@wanadoo.fr) avant le 31 mai 2014.
Le colloque est ouvert à tout membre de l’APELA à jour de cotisation (http://www.apela.fr/apela/devenir-membre/)

Coorganisation : CPTC (Université de Bourgogne)/THALIM (Université Sorbonne Nouvelle)/ APELA
Comité d’organisation : Guillaume Bridet, Virginier Brinker, Sarah Burnautzki et Xavier Garnier

Beitrag von: Sarah Burnautzki

Redaktion: Reto Zöllner